Monographie le GEM de Margny-les-Compiégnes (article en cours d'écriture)
Observer
les GEMs :
La
monographie de GEMs et la compilation de données
Monographie
sur le GEM de Margny Document en cours d’élaboration
pour la Chaire « Handicap
psychique et décision pour autrui » Ecole
Normale
Supérieure
de Paris
Cet
article a pour but de tester et de montrer comment on pourrait
imaginer des monographies de GEMs permettant de resituer ceux-ci dans
leur contexte, de mieux les comparer les uns aux autres, de voir
comment ils s’insèrent dans tout un paysage sociologique, voire de
leur permettre d’encore davantage s’enrichir mutuellement et
d’imaginer leur propre futur…. C’est une sorte de canevas que
nous allons essayer de reproduire et d’améliorer en le testant
également sur d’autres GEMs des Hauts et d’île de France1.
Je commence depuis un mois à avoir une véritable culture GEM qui
me permet assez rapidement de comprendre le type d’organisation de
GEM que j’ai en face de moi, de discuter avec eux en comprenant
tout ce qu’implique leur discours et pouvant me mettre dans leur
peau. Il ne s’agit pas dans ces monographies de parler de choses
qui concernent tous les GEMs2
Mais de les présenter chacun dans leur particularité. Ce travail
de terrain pourrait être doublé d’une enquête par questionnaire
pour dresser un bilan statistique des GEMs (nombre de sorties
organisées par chacun,…). D’autres élément statistiques
pourraient être tirés directement de l’observation des programmes
d’activités des GEMs (pour beaucoup accessibles sur Internet, leur
CR d’activité, ou leur activité sur Internet,...)
Il
est clair cependant que pour pouvoir faire ce type de monographies,
il va me falloir disposer de bien plus d’éléments de comparaison
que ceux dont on peut disposer dans la littérature existante ou sur
Internet. Je citerais parmi celle-ci la dizaine de monographies
réalisées par des étudiants dans le cadre de leurs études, les
documents ARS sur les GEMs de chaque région, Les Compte-rendus des 7
comités de pilotage ayant eu lieu depuis 2011).
Cela
va passer également par la connaissance de quelques
dizaines d’autres GEMs aussi bien, dans leur organisation, leur
histoire ou leur. Une partie de ce travail peut
s’effectuer par Internet, mais cela va nécessiter également
beaucoup de visites : Je peux programmer pour les
deux années qui viennent la visite des 13 régions.
Monographie
le GEM de Margny-les-Compiégnes
Le
GEM de Margny a vu le jour en 2013. C’est donc un des 50 GEMs les
plus récents de France qui a vu le jour 5 ans après ceux de
Beauvais et de Nogent sur Oise. C’est la 3éme structure de ce type
créé dans l’Oise, un quatrième GEM étant programmé sur
Clermont de l’Oise pour janvier 2019 (Appel d’offre de l’ARS
lancé au printemps dernier et clos le 28 septembre dernier).
Le département de l’Oise est une région où les GEMs ne sont
pas légion, ce qui peut paraître étonnant au regard de
l’importance de l’Hôpital Psychiatrique de Clermont de l’Oise,
un des 10 plus importants et anciens hôpitaux de France et du fait
que ce département est celui où l’on trouve le plus de personnes
prises en charge par la psychiatrie3.
On pourrait donc imaginer que l’éco-système local aurait pu
être favorable à l’éclosion de telles structures, comme cela se
passe dans d’autres régions comme celle de Blois ou des dizaines
de structures para-psychiatriques ont u le jour dans le sillon du
mythique LaBorde. Tel n’est pas le cas, la ville d’accueil de
l’HP n’ayant créé son GEM qu’en 2019, soit 15 ans après
l’apparition des premiers GEMs.
Le
GEM de Margny a été créé ex-nihilo : c’est à dire qu’il
ne s’appuie sur aucune structure pré-existante, comme c’est le
cas parfois, mais avec aussitôt un très grand nombre d’adhérents.
Le lobbying a du être intense : même Pole Emploi nous a
envoyé des cients.On notera qu’il y a eu le transfert d’une
partie de la population en quête d’une plus grande autonomie du
CATTP (structure médico-social avec du personne soignant répondant
à des prescriptions médicales) vers le GEM, où ils n’ont plus de
compte à rendre à personne. Les deux se trouvant à quelques
encablures de distance, beaucoup des Gémois participent aux
activités des deux structures.
Depuis
mars 2017 le GEM est présidé par un adhérent, ainsi que le veut le
cahier des charges entré en vigueur l’année précédente.
Permettre à un adhérent de devenir président n’a pas été une
chose évidente nous souligne monsieur X responsable de l’ESAT
Passage Pro, de l’association « La Nouvelle Forge »:
« il a fallut le former et le conseiller pendant 6 mois avant
de le laisser voler de ses propres ailes. » A la fois parrain à
titre officiel et président-gestionnaire à titre individuel,
monsieur X a été à l’époque obligé de consacrer un jour par
semaine à cette activité. Aujourd’hui qu’il n’est plus que
parrain, il se contente d’assister au Bureau mensuel de
l’association dont il est membre de droit et de répondre aux
besoins particuliers du GEM dont le président lui téléphone
environ une fois par semaine. L’UNAFAM semble occuper une place
plus symbolique dans la gestion du GEM, le sous-représentant de la
délégué UNAFAM de l’Oise ayant pour principal activité celle
d’assister au CA. Quant à l’ARS, les rapports semblent bons mais
assez distant : la secrétaire du directeur se contentant de
gérer les affaires courantes. Nous sommes donc très loin des
relations conflictuelles que l’on peut observer dans certaines
autres régions comme les Bouches du Rhône.
La
jeunesse du GEM Margnotin ne l’empêche pas d’être un des GEMs
les plus dynamiques, autonome et richement doté (100 000 Euros par
an contre 85 000 Euros en moyenne4)
de tout ceux que nous avons rencontré, notamment sans doute grâce à
ses parrains très impliqués. Le GEM est bien sûr présidé par
un adhérent, comme le prévoit la loi de 2016 et comme le sont
aujourd’hui la moitié des GEM, mais c’est également un des
rares GEMs qui se gère financièrement lui-même, recrutant et
salariant les animateurs. Les parrains du GEM (La Nouvelle Forge et
l’UNAFAM) avait même recruté début 2016 un des adhérents comme
animateur salarié ( ce qui se fait dans quelques 10 % des
GEMs), mais l’expérience a tourné court au bout de 6 mois.
Il
est fréquenté à 95 % par des habitants de l’Arc
(agglomération compiégnoise) et même à 40 % par des
habitants de Margny, dont le domicile se trouve donc à moins d’un
kilomètre de distance. Ce n’est pas pourtant le coût des
transports qui fait hésiter puisque la ville dispose d’un réseau
de bus gratuit. Le fait d’avoir une population très locale, comme
dans un bar de quartier en faite, est commune à tous les GEMs de
France, hormis ceux souvent plus spécialisés que l’on retrouve
dans les grandes villes ne serait-ce que parce qu’on ne peut y
être emmené par véhicule sanitaire, chose qui n’est pas possible
dans un GEM, sa fréquentation n’étant pas assimilée à un acte
thérapeutique donnant lieu à aucun remboursement. Cette
fréquentation au fait que l’on est jamais obligé d’aller au GEM
(contrairement à un rendez-vous au CMP qui est plus ou moins
obligatoire ) et que l’on y va sur un simple coup de tête,
sans que cela demande le moindre effort.
Il
se situe dans la petite ville jumelle de Margny les Compiègne qui
jouxte la ville impériale sur la rive droite de l’Oise dans un
bâtiment sans charme situé dans le parc de la mairie, abritant
également des salles consacrées à d’autres activités
sociales : club du 3éme age, atelier de peinture… Dès que
les beaux jours reviennent, les adhérents se retrouvent dans la
petite cour en plein air, relativement à l’abri de la rue et des
regards extérieurs. Les populations des différentes structures, se
croisent sans vraiment se fréquenter. De même la population du GEM
ne semble pas beaucoup fréquenter le restaurant, situé à une
centaine de mètres de là, où déjeune tout les midis une clientèle
de cadres urbains bien propres sur eux. Certes le café coûte plus
cher qu’au GEM (où il est gratuit), mais c’est aussi un problème
de classe sociale… de classe sociale plus que d’état psychique
d’ailleurs, nous semble-t-il. La pauvreté ça se sent à 100
mètres….Tout comme l’absence d’émulation entrepreneuriale
chez les Gémeurs, qui est souvent autant un marqueur social que la
marque du catogan.
Margny
la voisine pauvre de Compiègne l’Impériale
Margny,
c’est la partie relativement pauvre de l’agglomération
compiègnoise, habitée pa rles cheminots du noeud ferrovière tout
proche, comme en témoigne d’ailleurs le prix du mètre carré. Il
se passe d’ailleurs comme si il y avait une répartition
géographique très forte du traitement social de la pauvreté :
à Margny le 115, les Camions du Cœur, les résidences pour femmes
isolées, les foyers thérapeutiques pour enfants autistes, Pole
Emploi…. A la rue de Paris à l’Ouest du centre ville de
Compiégne, les CMP, hôpitaux, Resto du Cœur, structures
officielles établies depuis de nombreuses années….A Margny les
nouvelles structures associatives. On note d’ailleurs au fil du
temps une migration vers les périphéries du CMP ou du Pole Emploi
par exemple qui y ont déménagé ces 10 dernières années du
centre-ville vers une périphérie plus où moins lointaine… Avec
des difficultés d’accès pour les populations pauvres, mais une
répartition de la géographie sociale qui semble correspondre mieux
aux désirs des classes dominantes et aux ambitions gentrificatrices
& touristiques de la mairie. Quand les services sociaux restent
dans les centres villes ça peut5
poser de nombreux problèmes :
-Exemple
de la Croix Rouge Française des quartiers chics et les tensions
suscités entre migrants venus à la distribution alimentaire et les
demeures chics du quartier importunées par le bruit. Quand le
voisin, procureur à la retraite, se plaint du bruit des clients de
la Croix Rouge, la police municipale n’hésite pas à arriver toute
sirène hurlante et armée de flash-ball (Cas vécu en septembre
2018).
-Exemple de la rue Notre dame de Bon Secours, parfois réputée mal
fréquentée à cause de la présence du secours Catholique, ce qui a
entraîné une baisse du prix du mètre carré.
Le
Conseil Départemental de l’Oise se fend chaque année d’une
subvention assez importante, qui varie suivant les années de 15 à
30 000 Euros suivant les années (18 500 euros pour 2018). Bien qu’il
ne subventionne quasiment pas le GEM sous forme sonnante et
trébuchante, le marie de Margny le fréquente à intervalles
réguliers lors des Assemblées Générales ou à l’improviste. Il
a concédé l’usage de 1000 mètre carré d’un jardin potager,
dans lequel 5 gémeurs se relaient quotidiennement sous la houlette
de Valérie, la fameuse cuisinière du GEM, également experte en
plantes aromatiques. Quant au petit journal local « Le
Margnotin »,il fait un article sur le GEM tous les 6 mois
environs. On peut donc dire sans crainte de se tromper que le GEM est
un sujet de fierté et une des associations les plus dynamique,
d’autant plus dans une agglomération urbaine où la politique
culturelle pour les classes moyennes et défavorisées est assez
spartiate (spectacles très chers organisés par la municipalité,
peu d’activité pour les jeunes,...).
« On
y vient pour l’ambiance, la bonne bouffe et les parties de carte »
Tout
le monde s’entend bien au GEM, se fréquentant souvent depuis plus
de 5 ans (10 adhérents semblent constituer le noyau des anciens,
c’est à dire de ceux ayant participé à l’expérience depuis
ses débuts. Preuve de la bonne ambiance, des relations
interpersonnelles assez fortes ce sont tissés entre chaque
adhérents. il y a d’ailleurs eu un mariage en 2017, événement
encore assez rare dans les GEMs puisque l’étude de l’ANCREAI
portant sur 25 GEMs n’en a recensé qu’un seul. Les disputes y
sont assez rares et si la discussion, qui est souvent animée,
s’engage sur un terrain glissant comme l’immigration l’animatrice
s’arrange pour aplanir les rugosités des propos et habituer chacun
à un peu plus de tolérance. En 50 heures de présence, nous n’y
avons pas vu la moindre conversation s’envenimer. Au contraire
chaque adhérent qui franchit la porte du GEM est chaleureusement
accueilli, tandis que l’on s’inquiète d’un autre qui n’est
pas venu depuis plusieurs jours. Les adhérent moins mentalement en
forme sont gentiment pris en charge par un autre membre qui va
prendre soin d’eux et de leur bien être. Beaucoup des Gémeurs se
fréquentent également en dehors du GEM, ne serait-ce que par qu’ils
habitent à quelques centaines de mètres l’un de l’autre. Et
il n’est pas rare qu’une partie de carte se poursuive dans
l’appartement de l’un d’entre eux.
L’ambiance
du GEM est très différente de celle du local du 115, situé à
quelques centaines de mètre de là, où les disputes sont
fréquentes. Il faut dire qu’il n’y a pas d’animateur là bas
et le public est beaucoup plus brut de décoffrage... la moindre
mésentente pouvant vite dégénérer en bagarre. Le local du 115 est
moins protégé des regards, puisqu’il s’agit d’une vitrine qui
permet à tous les passants de voir ce qu’il se passe dans le
local.
C’est pour ça d’ailleurs que le GEM de Compiègne comme la
plupart des autres GEMs et comme il est indiqué dans leur cahier
des charges n’est pas ouvert aux SDF. La population des GEMs bien
qu’elle soit en dessous du seuil de pauvreté, ne se mélange pas
aux autres précaires et ne fréquente pas leurs lieux : Nous
n’avons trouvé qu’un grand précaire, pas SDF d’ailleurs mais
simplement très en dessous du seuil de pauvreté, qui fréquentait à
la fois les Camions du Cœur et le GEM. Il faut dire que Compiégne
est une ville relativement privilégiée dans l’accueil des
SDF6,même
si en revanche elle refuse systématiquement de les accueillir dans
ses unités psychiatriques. Alors que dans certaines grandes villes,
des équipes de maraude psychiatrique fonctionnent 24 heures sur 24,
à Compiégne, la seule intervention psy consiste en la venue d’une
psychologue volante de l’ADARS (Association d’Accueil et de
Ré-insertion Sociale) une fois par semaine au Café Sourire du
Secours Catholique.
Les
activités du GEM
Une
des activités essentielle du GEM de Margny consiste à se nourrir.
Dès l’ouverture des portes du local à 11 heures, Valérie une
adhérente, ex cuisinière professionnelle, prend en charge la
préparation du repas de midi qui a lieu tous les jours pour 10 à
15 couverts la plupart du temps. 3 ou 4 adhérentes s’y consacrent
chaque jour, Valérie élaborant des recettes sans cesse renouvelée
en prenant en compte les spécificités de la livraison du jour :
prédominance de carottes ou de choux de Bruxelles par exemple.
C’est une des caractéristiques du GEM de Compiégne de déjeuner
tous les jours ensemble, rares étant les autres GEMs fournissant un
repas quotidien (dans certains autres ce repas est remplacé par la
distribution d’aide alimentaire type Resto du Cœur, ce qui, on en
conviendra, favorise moins la convivialité). Si le GEM a pu mettre
en place ces repas, qui constitue son atout phare, c’est grâce à
un partenariat avec le supermarché Naturalia, qui lui donne chaque
jour en fin de journée ces produits atteignant la date limite de
péremption7.
Ce qui équivaut à 30 000 euros de dons alimentaires par an et
fourni ainsi l’ensemble des ingrédients nécessaires d’un
repas pour 10 personnes qui chacune verse une contribution libre.
L’argent ainsi récolté par la contribution volontaire des
adhérents permet ainsi de financer les sorties du GEMs. Quand il y
a vraiment besoin de sous, les adhérents n’hésitent pas à mettre
la main à la pâte en vendant des confitures sur le marché ou en
participant à des vide-greniers. L’introduction de ce repas
quotidien a fait doubler le nombre de Gémeurs venant quotidiennement
au GEM.
Avec
Alain, Valérie est l’autre cheville ouvrière du GEM, sans
laquelle celui-ci n’aurait pas tout son dynamisme. Les autres
adhérents sont souvent beaucoup plus en retrait et se contentent de
participer, sans prendre eux mêmes beaucoup d’initiatives.
Mentionnons cependant la forte implication de François, la
trésorière qui si elle est moins présente au GEM, effectue un
important travail de l’ombre. D’où l’importance de la réunion
hebdomadaire du mercredi où l’on propose et prépare les activités
à venir. A chaque fois les rôles sont distribués entre des
membre, qui pour être le président de séance, qui pour noter le
compte-rendu.La réunion hebdomadaire est également une occasion
d’encourager chacun à participer à la prise de décision commune,
de ré-apprendre à collaborer ensemble et à prendre des
initiatives, la fameuse éducation à la démocratie et à la
citoyenneté dont parlent tant les textes réglementaires des GEMs.
Bien que le GEM se défende de faire du soin, les
animateurs sont soucieux de donner une forte orientation
psycho-éducative et bien être aux activités proposées :
travail sur la mémoire, structuration de la pensée mais aussi
sens de l’organisation et de la prospective.
Après
le déjeuner des parties de cartes sont organisées à peu près tous
les jours, tandis qu’ont lieu une fois tous les deux jours en
moyenne des activités souvent sous la houlette de bénévoles :
relaxation, dictée, revue de presse,… Et quand y’a pas, il se
trouve toujours quelqu’un pour proposer une marche en forêt,
loisir gratuit et vivifiant si il en est (même si de manière
général les Gémeurs compiègnois n’aiment pas beaucoup le sport,
contrairement à leurs comparses de Mont de Marsans, fans de
Paintball). Deux ou trois fois par an, le GEM organise des séjours
de vacance sur un Week End prolongé et à quelques centaine de
kilomètres de distance.. Le GEM a pendant quelques années publié
un journal plus ou moins trimestriel, comme le font de très nombreux
GEMs et Club Thérapeutique. Mais il a cessé de paraître voici 3
ans, faute de combattants. Le GEM n’a pas non plus une fibre très
artistique, contrairement à la plupart des GEMs qui regorgent
souvent d’artistes plasticiens et de poètes. A Compiègne, on
préfère souvent une bonne partie de belote.
Le
GEM a dès la première année eu une petite centaine d’adhérents,
le chiffre restant stable d’une année sur l’autre et
correspondant d’ailleurs au nombre moyen d’adhérents que l’on
trouve dans chaque GEM. Sur ces 100 adhérents une petite moitié
viennent au moins une fois par semaine, dont 5 quasiment tous les
jours. Cela correspond à une moyenne de 14 personnes par jour qui
occupent facilement les 3 pièces du local : au-delà de 25
personnes le degré de saturation des locaux est largement atteint.
Parmi eux, une forte proportion de femmes d’environ 70 ans, plutôt
en forme psychiquement, pour qui le GEM semble constituer une
alternative plus dynamique que les groupes de retraités. Si la
plupart des Gémeurs sont inactifs, il y a 5/6 salariés d’ESAT
ainsi qu’un auto-entrepreneur8
patissier. C’est spécialement pour ce public d’actif que le GEM
ouvre en soirée un jour par semaine, ainsi que le samedi. On trouve
bien sûr comme dans tous les autres GEMs quasiment pas de moins de
30 ans, la moyenne d’age tournant plutôt autour de 55 ans.
A
raison d’une ou deux organisée chaque semaine pour une 10aine de
personnes, les sorties sont en grande partie financées par le
paiement des repas. En effet, une fois toutes ses charges payées
(local, animateurs, expert-comptable,...), le GEM ne dispose plus que
de 500 Euros de budget par mois pour les financer, ce qui est un peu
juste quand il faut payer les entrées aux spectacles,les frais de
bouche,… Les frais d’essence (100 Euros par mois a faisant
l’objet d’une comptabilité à part ). Une contibution
exceptionnel de l’Association nationale des Chéques Vacances a
permis de fiancer un séjour de 4 jour dans le Morvan. Quand les sous
manquent, la Mairie rajoute les quelques dizaines d’Euros qui
permette au GEM de faire la jonction.
Le
principe est donc que chaque adhérent souhaitant participer à une
sortie paye la moitié du coût de celle-ci (en général 2 à 5
Euros), l’autre moitié étant abondée par le GEM. Il va sans dire
qu’avec cette somme, il n’est pas question d’assister à des
spectacles coûteux ou de partir à l’autre bout de la France dans
des hôtels 4 étoiles. Une grande partie des efforts de l’animateur
consiste donc à négocier des activités gratuites et à trouver des
bénévoles pour proposer des activités, avec parfois des cadeaux de
grande valeur offerts par certaines entreprises, comme le repas
gratuit offert par le restaurant de Bernard Loiseau aux Gémeurs en
séjour dans le Morvan. On est loin du GEM MicroSillon de Toulouse
qui lui arrive à financer des voyages en Russie, grâce l’appel à
la générosité, mais la situation est bien meilleure qu’au GEM
de Nogent sur Oise parfois impécunieux au point de plus pouvoir
organiser la moindre sortie. Malgré des moyens limités le GEM
arrive à garder chaque année des provisions qui lui ont permis
cette année d’acquérir un véhicule de transport collectif pour
la modique somme de 27 000 Euros. Cela lui a cependant valu
quelques houleuses discussions avec l’ARS locale, pas du tout
contente que le GEM ait pu thésauriser une telle somme. Beaucoup
de GEMs arrivent ainsi à mettre de l’argent de côté pour
investir dans du gros équipement, l’exemple le plus extrême que
nous ayons rencontré étant celui du GEM de Fontenay aux Roses qui a
ainsi investi 100 000 Euros dans la création d’une friperie. La
participation à la vie locale (sapin de Noël de la mairie,…)
représente une part importante des activités, afin de faire
participer les adhérents, comme indiqué par le cahier des charge, à
la vie citoyenne. S’il organise aussi 2 fois par ans des
rencontres avec d’autres GEMs, on notera en revanche que le GEM de
Margny ne se mélange quasiment pas à d’autres groupes sociaux
(pour faire des randonnées avec des non-Gémeurs par exemple). Les
animateurs me disent à ce propos craindre que la confrontation à
d’autres publics ne risque d’être dommageable psychiquement.
C’est une politique qui semble très différente de celle
pratiquée dans d’autres GEMs où au contraire le mélange des
Gémeurs à la population est plutôt encouragée (comme à
Micro-Sillon, GEM axé autour des voyages et d’un émission de
radio). Les avis sont d’ailleurs partagés à ce propos parmi les
GEMs que nous avons rencontré. Certains GEMs insistent sur leur rôle
protecteur auprès de leurs adhérents, d’autres milite pour plus
d’insertion dans la vie sociale, avec les quelques risques que cela
peut comporter.
Le
GEM est prévu, comme l’indique d’ailleurs les textes de loi de
2016, pour fonctionner avec 2 animateurs, ce qui n’est pas toujours
le cas, lorsqu’un animateur met fin à son contrat par exemple. Il
peut bien sûr dans ce cas ne fonctionner qu’avec un seul temps
plein , comme le font encore aujourd’hui 20 % des GEMs. Mais
cela le freine considérablement, puisque l’animateur restant n’a
plus le temps de faire le travail administratif et les relations avec
l’extérieur, essentielles pour arriver à trouver de nouvelles
activités et sources de financements. Le président et
l’animateur-coordinateur travaillent en permanence main dans la
main, passant chaque jour une heure ou deux à gérer le quotidien du
GEM. D’ailleurs le principal animateur-coordinateur passe une
grande partie du temps dans son bureau en négociation et discussion,
non simplement pour le GEM mais aussi pour s’occuper des cas
précis de chaque Gémeur (problèmes de voisinage de l’un d’entre
eux, attribution de chèques vacances pour un autre) C’est ainsi
qu’il joue un peu le rôle d’assistante sociale de proximité,
puisque qu’il connaît bien mieux les adhérents que l’assistante
sociale du CMP, qui elle ne les fréquente que de loin, ayant à
charge beaucoup plus de dossiers et n’arrivant pas toujours à
faire preuve d’une redoutable efficacité.
Portrait :
Alain
Marliére le président-adhérent en pleine ascension
Ancien sous-off d’active
blessé en opération, Alain Marliére a été mis en invalidité en
2011, il a passé quelques années de très grande déprime avant
d’adhérer en 2013 au GEM de Margny qui venait de se créer. Au
bout de 3 ans, il s’est mis à prendre des responsabilités qui se
sont développées d’année en année pour finalement devenir en
mars 2017 le président élu du GEM. Les responsabilités se sont
alors enchaînées de façon très rapide, puisqu’il est devenu
successivement vice-président du CNIGEM, puis président du Comité
d’Éthique du Centre Hospitalier Isarien (l’Établissement Public
de Santé Mentale de l’Oise). Alain est constamment en déplacement,
sur le pied de guerre en permanence de 5 heures du matin à minuit,
avec un agenda de ministre. Le GEM et la santé mentale sont devenus
sa raison de vivre. Ce pouvoir reste cependant sous un certain
contrôle des parrains qui ne se priveront pas toujours de le
remettre à sa place et de lui rappeler qui l’a fait roi. C’est
tout le problème d’avoir un parrain fort qui veille sur votre sort
et prend soin de vous, il vous aidera beaucoup plus qu’un parrain
isolé, comme l’est Argos2001 pour le GEM de Nogent sur Oise. En
échange, le parrain risque d’être davantage sur votre dos,
considérant un peu le GEM comme sa copropriété. De son côté le
président a parfois un peu tendance à se laisser aller à se
prendre pour « quelqu’un d’important » et à présumer
de ses forces-Mais quoi de plus normal quand on est parti de si
loin ?
Alain n’en est pas encore
là et il considère l’Allocation d’Adulte Handicapé comme son
salaire et son activité dans la santé mentale comme une façon de
remercier la société ». Il veut continuer d’agir dans le
domaine de la santé mentale en tant que professionnel bénévole et
envisage dans quelques années de devenir consultant en organisation
de GEM, toujours à titre bénévole. Il n’a en tout cas aucune
envie de revenir dans le monde du salariat classique et n’échangerait
sa vie actuelle contre rien au monde.
1Connexion+
, sans doute un des plus développés de France, puisqu’il a
carrément ouvert une librairie très fréquentée à Châtelet les
Halles
2
L’autogestion, leur pauvreté, la présence permanente d’un
animateur, l’interdiction d’y participer pour les SDF ….
3Sources
Les inégalités territoriales en matière de psychiatrie 2011 IRDS
490 %
des 78 000 Euros de l’ARS étant absorbés par des charges fixes,
c’est principalement les quelques milliers d’Euros d’autres
financements qui font la différence entre un GEM riche et un GEM
pauvre
5Ce
qui est assez remarquable pour une association n’ayant que 5 ans
d’ancienneté
6
70 places d’hébergement,
la possibilité quasi-quotidienne d’obtenir un repas chaud,
complété par 2 ou 3 centres de distribution en bien de première
nécessité
7
Un contrat que le GEM a
décroché haut la main, face à de redoutables concurrents comme
les Restos du Cœur, la Banque Alimentaire ou la Croix Rouge
Française, très actifs sur Compiégne.
8
et/ou créateur d’entreprise, le président n’ en sachant pas
davantage
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