Pourquoi cette thèse?


Travailler sur ce sujet m’apparaît comme une façon de faire un complément d’enquête par rapport à mes premiers travaux universitaires sur l’aide psychologique par téléphone (sujet sur lequel j’ai travaillé à mi-temps de 1988 à 1993) en l’abordant sous un jour entièrement nouveau, avec un cerveau beaucoup plus aguerri. Alors que je m’étais à l’époque intéressé à la caresse (l’aide psy par téléphone ça ne fait de mal à personne), je me confronte maintenant au marteau -les troubles psychiques profonds et les réponses lourdes et permanentes de la médecine, comblant ainsi la frustration que j’avais eu à l’époque de ne pas réussir à prendre en compte la dimension psychologique du sujet. Aujourd’hui, avec 30 ans de bagage existentiel, la psychologie, j’en fais mon affaire et j’ai à peu près compris de quoi il s’agissait même si cela reste pour moi beaucoup de bouillie. Je me souviens avoir eu un mal fou à bien comprendre la dimension psychologique des choses, ce que ça voulait dire avoir des problèmes psychologiques, et je n’étais pas capable d’y réfléchir autrement qu’en surface. C’est pour ça que je m’étais orienté vers une analyse historique et structuraliste du phénomène des services téléphoniques, plutôt que vers l’étude des pratiques d’écoute, de la forme de relation d’aide qui s’y développait ou du contenu des appels reçus. Je m’étais plus focalisé sur la technique du téléphone, m’inspirant des travaux de sociologie des télécommunications (Jacques Perriault, livre « La logique de l’usage », Christian Pinaud, livre « Entre nous téléphones »,…). C’est pour ça d’ailleurs que j’ai très rapidement abandonné le domaine du travail social et de la relation d’aide, pour m’intéresser à toutes les formes de socialisation médiatisées par une technique et pour devenir journaliste spécialisé dans le thème télécoms & société. Ce qui m’a amené à devenir ensuite un professionnel de l’Internet, un technicien des outils de communication au service de l’humain, des relations et réseaux sociaux.


Mon intérêt pour renouer avec la recherche en sciences sociales est démultiplié par la formidable évolution qu’ont connu les outils et les moyens de connaissance et d’investigation depuis la fin des années 80 et le tout début des années 90 (86-93 ma période active). Ce qui permet de faire des choses entièrement nouvelles. Les conditions de travail ont entièrement changé. Nous étions à l’époque au balbutiement des Banques de données avec des données beaucoup plus rares, très chères à obtenir (l’équivalent de 3 Euros l’article sur Lexis), une littérature grise parfois manuscrite ou ronéotypée et l’obligation de se déplacer de bibliothèques en bibliothèques spécialisées pour faire le tour d’un sujet.
Ca m’intéresse aussi beaucoup de travailler enfin sur un sujet largement documenté sur lequel ont été publiés des dizaines d’ouvrages et où je vais pouvoir véritablement confronter mon travail de recherche à celui des autres. Une différence fondamentale par rapport aux 2 sujets « de niche » sur lesquels j’ai précédemment travaillé en profondeur : la Citizen Band et les Services d’Aide Psychologique par téléphone. Il n’y avait en effet quasiment pas de littérature sur ces sujets, à peine 2 ou trois livres abordant le sujet, jamais de travaux universitaires consacrés au sujet,….


Le sujet de la thèse
Après 20 ans passé dans le domaine des nouvelles technologies et 8 ans à parcourir le monde, j’ai décidé ces dernières années de revenir à ma passion de jeunesse pour les sciences sociales, l’enquête, l’écriture et l’action sociale & humanitaire. Je me suis dans ce cadre focalisé sur trois thématiques : l’aide aux grands exclus, aux migrants et le traitement des troubles psychiques. C’est dans ce cadre que j’ai choisi rapidement de m’intéresser à la psychiatrie dure, celle de l’internement et du traitement sous contrainte. J’ai de plus choisi de ne pas le faire à la manière journalistique, en multipliant les sujets d’enquêtes et les angles au gré de l’actualité et de la commande.
Après un an d’observation-participante en tant que sujet naïf auprès des structures, des usagers et des professionnels de la chose (psychiatres, psychologues, infirmiers, éducateurs,assistantes sociales….), puis d’enquête pratique et théorique j’ai rédigé une essai/pamphlet un livre que je publierai début 2019. Ce travail préliminaire m’a convaincu de mon immense intérêt pour le sujet de la psychiatrie et de l’importance d’agir pour une dé-psychiatrisation de la gestion des troubles psychiques1.
 Il ne s’agit pas d’une passade : je compte engager une réflexion en profondeur et en faire au moins un engagement sur plusieurs années (3 à 5 ans, voire plus si affinités), afin de devenir expert du sujet. C’est pour cela qu’après ce galop d'essai qui m’a permis de mieux cerner un sujet que je connaissais mal jusqu’à présent, je souhaite poursuivre ce travail par une thèse de doctorat pour élever mon propre  niveau d'exigence et le confronter à des chercheurs professionnels exigeants.
Mon projet de thèse portera sur ce qu'ont pourrait appeler la gestion communautaire des troubles psychiques par des groupes d’usagers plus ou moins supervisés par des professionnels. Cette thématique connaît, avec la création des Groupements d’Entraide depuis ces 10 dernières années, un regain considérable d’intérêt. Ces GEMs qui constituent selon moi une véritable révolution copernicienne de la psychiatrie. On distingue à mon avis aujourd’hui 3 principaux types de gestion communautaire : les GEMs, les Club Thérapeutiques et les Clubhouses. Cette thèse de doctorat fera la comparaison entre ces 3 types de structures, leur mode de fonctionnement, ce qui les différencie ou non, ce qui pourrait constituer des intérêts communs.
Elle pourrait un peu s’envisager (disons que c’est comme cela que je le ressens) comme la suite logique du livre sur la psychiatrie que je viens de rédiger : Après avoir fait table rase (Psychiatria Delenda Est), j’essaye de reconstruire une nouvelle pratique en dehors de l’institution.

1Que je qualifierais d’ailleurs davantage de troubles socio-psychiques, les qualifier de psychique étant une façon facile d’évacuer leurs causes sociales

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