Les Groupements d’Entraide Mutuelle : Thèse de doctorat de sociologie de Stefan Jaffrin

Les Groupements d’Entraide Mutuelle : Leur vie, leur oeuvre
Thèse de doctorat de sociologie de Stefan Jaffrin
Soutenance septembre 2021

Sous la direction de Jean François Lae
Ecole Normale Supérieure (ENS)
Chaire « Handicap psychique et Décision pour Autrui »

Plan d’action :

1. La problématique de la thèse
2. Une proposition :Donner une forte orientation pratique à la thèse
3. Première approche : Observer les GEMs
4. Analyse institutionnelle du développement des GEMs
5 Les « Professionnels » des GEMs : Présidents, animateurs et parrains
6 La comparaison GEMs, Clubs Thérapeutiques et ClubHouse
7. Etat de l’art sur la littérature concernant les GEMs




Après deux ans d’enquête tout azimut dans le monde de la psychiatrie asilaire et médicamenteuse je prépare depuis juillet dernier une thèse de sociologie de la psychiatrie. Cette thèse à pour objet l’étude sociologique des quelques 500 GEMs existant à travers la France ces nouveaux lieux créés par une loi de 2005 où se se retrouvent chaque année quelques 30 000 personnes souffrant de troubles psychiques. Les Groupements d’Entraide Mutuelle sont des associations et des lieux autogérés ouverts 35 heures par semaine créés par la loi sur le handicap psychique de 2005 pour lutter contre l’isolement dans lequel vivent un très grand nombre de personnes ayant souffert de troubles psychologiques. Pour résumer brièvement en reprenant la terminologie officielle : Les groupes d’entraide mutuelle (GEM) sont des dispositifs de prévention et de compensation de la restriction de la participation à la vie sociale organisés sous forme associative. Ils accueillent des personnes aux troubles de santé similaires, qui les mettent en situation de fragilité et leur propose de participer à l’organisation du multiples activités de loisir. Les GEMs sont sans conteste l’évolution structurelle la plus notable de la psychiatrie ces 40 dernières années. Jamais on n'avait vu autant de personnes prises en charge et un tel déploiement de structures. On pourrait presque parler d’une véritable révolution copernicienne de la psychiatrie, d’un nouvel objet hors de l’institution médicale. Celui-ci pourrait aider à nous faire passer de la psychiatrie dictature que nous connaissons trop souvent aujourd’hui à une forme plus démocratique ou chacun des acteurs ait la liberté de prendre son destin en main.

Cette thèse aura pour objectif de les mieux connaître (et faire connaître) et de leur fournir un socle fédératif & productif  : d’où viennent-ils, comment fonctionnent-ils, quelles sont les particularités de chacun, comment ils s’insèrent dans la vie locale, collaborent entre eux. s’organise à leur façon, lance leurs propres activités,... Je m’intéresse aussi à l’évolution des concepts depuis la loi de 2005 jusqu’au nouveau cahier des charges mis en place depuis 2016, lignes de fractures, affrontements idéologiques… Je réalise pour ce faire une enquête de terrain et observation participante sur les GEMs de la région Hauts de France, tout en visitant régulièrement les GEMs d’autres régions françaises. Cette thèse est réalisée en collaboration avec le site Mut-GEM (centre de ressource pour les GEMs http://www.mut-gem.com) de Jacques Franscini, GEM Parasol de Nancy (Espoir54).

Cette thèse abordera aussi bien sûr, ne serait-ce que les comparer, les autres formes de gestion communautaire des troubles psychiques que sont notamment les Clubs Thérapeutiques et les ClubHouses). J’ étudie bien sûr de près la très importante littérature codifiant la mise en place des GEMs ou les études de cas de GEMs ayant déjà été effectuées (une vingtaine de mémoire de recherche portant sur des GEMs, villes ou régions précises). Le rôle des différents acteurs des GEMs, qu’il s’agisse des présidents, des animateurs salariés ou des parrains/gestionnaire sera également passé à la loupe.

Le premier travail de terrain va être d’observer les GEMs par l’observation directe sur le terrain de leur fonctionnement au quotidien ou lors de leurs rencontres (dites InterGEMs) pour arriver à construire leur sociologie. Cela va également largement se faire à distance par Internet en utilisant la force de mise en relation et de travail collaboratif de cet outil. J'ai d’ailleurs commencé à mettre en place une stratégie Twitter/Facebook/LinkedIn/Blogger basée sur l’Open-Science (la progression de mon livre et de ma thèse donne lieu à la publication de références bibliographiques & autres (vie des structures, colloques, publications d'articles,...) à raison d’environ 3 publications par jour et d’un sujet de discussion. Devenu « ami » avec une quarantaine de GEMs et en ayant « liké » d’autres autant, je reçois tous les jours des informations sur leurs activités et commence peu à peu à rentrer en contact avec chacun. Plus qu‘un simple outil d’observation, Internet peut également devenir l’outil d’une véritable Recherche-action si l’on considère que le but de cette thèse, hors son aspect purement sociologique est de permettre aux GEMs de mieux communiquer entre eux et de mieux se connaître. Cela se fera de façon massive dès septembre 2019 par le lancement d’un site WEB collaboratif et la mise en place de forums de discussion.
La problématique de la thèse
In fine, l’idée maîtresse de cette thèse sera que les GEMs aident non simplement les personnes en situation de handicap psychique mais aident la société tout entière à se renouveler dans un sens plus inclusif et solidaire. Pour paraphraser Oury qui disait que la psychothérapie institutionnelle était là pour soigner l’hôpital, on pourrait dire que les GEMs, par un étonnant renversement de paradigme, soignent la société en lui montrant la voie pour de nouvelles formes d’organisations, plus humaines et plus collaboratives, en dehors du marketing et de la consommation à outrance dans une société ou le travail disparaît peu à peu…. Le GEM, de lieu d’accueil pour âmes en détresse où l’on se contente il est vrai parfois de jouer aux cartes (mais n’est-ce pas justement le principe d’un GEM d’y faire ce que l’on veut) peut aussi devenir lieu de vie et d’auto-organisation où se recréent de nouvelles communautés humaines et de nouvelles formes d’organisation de la vie sociale, utiles pour tout le monde (création du potager du GEM qui permet une certaine autosuffisance alimentaire, actions humanitaires, animation de la vie locale (participation aux Réseaux d’Échange de Savoir -RES- et Systèmes d’Échanges Locaux- SEL),…
Si au premier abord on peut trouver certains GEMs un peu moroses et pas franchement accueillants, en assistant à leurs réunions hebdomadaires, en y vivant au jour le jour et en participant aux repas collectifs quotidiens, on s’aperçoit qu’il y a aussi de véritables dynamiques qui se mettent en place. De fait les adhérents des GEMs, d’isolés dans leur coin qu’ils étaient jusqu’à leur rencontre avec le GEMs, mènent souvent une vie plus riche et diversifiée qu’une bonne majorité des français (ils sortent plusieurs fois par semaine, ont des loisirs variés, se retrouvent tous les jours entre amis….). Les GEMs, ont ainsi permis au cours de ces 15 dernières années à quelques centaines de milliers de personnes de sortir de leur isolement et d’ainsi revivre.
A travers cette étude je veux construire l’objet sociologique GEM, peut être un peu comme ce que j’avais fait dans mon « Que Sais Je » sur les services d’aide psychologique par téléphone( N°2692 1992). Elle permettra aussi d’analyser sous un angle original l'évolution de la psychiatrie de ces 10 dernières années (plus grande prise de parole et de pouvoir des patients,…) et les tensions entre acteurs à l’œuvre dans celle-ci (professionnels, corps de métier, usagers, familles,..).


A propos de l’auteur :
Diplômé de l'EHESS (CREDA, Centre de Recherche sur les Dysfonctionnements de l’Adaptation) et titulaire du DEA de l’EHESS "Anthropologie Sociale et Culturelle" 1992. Mon mémoire de DEA sur les services d'aide psychologique par téléphone (dirigé par François Raveau, jury composé d’Alain Touraine, Robert Castel et Michel Maffesoli), a été publié sous forme de Que Sais Je (N°2682). Cofondateur et journaliste en 1990 de la revue Sciences Humaines, j'ai par ailleurs publié un autre ouvrage en 1995 sur un sujet connexe, la Citizen Band (la tribu des cibistes 1995 qui a reçu le prix « Communication & Volonté ») et une centaine d'articles journalistiques dans ce domaine d'activité (Sciences Humaines, Journal International de Médecine, Journal du Téléphone, L’impatient, Sciences &Avenir, ….)
Après 25 ans passés dans les mondes d'Internet et du journalisme et 7 ans  à parcourir le monde, je me consacre depuis deux ans à l'action humanitaire avec la Croix Rouge Française, le Secours Catholique et les Camions du Cœur (aide aux exclus et aux migrants).
Profil professionnel complet : https://www.linkedin.com/in/adminet/

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